Rapports de la commission des prix

Rapports de la commission des prix :

Rapport présenté au nom de la commission des prix 2021

par Diane Cuny, Secrétaire générale

Monsieur Le président, Chères et Chers Collègues,

Casaubon, l’éditeur d’Athénée, écrivait dans une lettre à Scaliger en date de mai 1598 :

« Nous avons traversé une grande mer, nous avons été ballottés par de fortes tempêtes, et souvent nous avons fait naufrage ; mais enfin nous atteignons le port ». Au terme d’une année mouvementée, marquée par l’impossibilité de nous réunir en présentiel, voici le palmarès que notre Commission des prix a réussi à établir en dépit de toutes les difficultés et qu’elle m’a chargée de vous présenter :

  • Prix de l’Association (dédoublé) : Gwenaëlle Aubry, « Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin », Paris, Vrin, 2020. – Denis Feissel, Études d’épigraphie et d’histoire des premiers siècles de Byzance, ACHCByz, 2020.
  • Prix Zographos (dédoublé) : Apollonius Dyscole, Traité des adverbes, Introduction géné- rale, édition critique, traduction française et commentaire par Lionel Dumarty, Vrin, Textes et traditions, 688 p., 2021. – Anne-Valérie Pont, La fin de la cité grecque. Métamorphoses et disparition d’un modèle politique et institutionnel local en Asie Mineure, de Dèce à Constantin, Genève, Droz, 2020, in-8°, XIII + 585 p. (Hautes Études du Monde Gréco-Romain 57).
  • Prix Reinach : Vivien Longhi, Krisis ou la décision génératrice. Épopée, médecine hip- pocratique, Platon, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2020, in-8°, 319 p.
  • Prix Zappas : Dimitrios Zaganas, La formation d’une exégèse alexandrine post-origé- nienne. Les Commentaires sur les Douze Prophètes et sur Isaïe de Cyrille d’Alexandrie, Leuven-Paris-Bristol, CT, 2019, in-8°, XVI + 428 p. (Traditio Exegetica Graeca 17).
  • Prix Delepierre : Anne-Marie Guimier-Sorbets, Mosaïques d’Alexandrie. Pavements d’Égypte grecque et romaine, avec la coll. d’A. Guimier-N. Morand-D. Weidmann, Alexan- drie, Centre d’Études Alexandrines, 2019, in-8°, 259 p.
  • Prix Desrousseaux : François Queyrel, La sculpture hellénistique. Tome 2 : Royaumes et cités, Hermann, 2020.
  • Prix Raymond Weil : Dion Cassius, Histoire romaine. Livres 78, 79 & 80 (Année 217 à 229), Texte établi et traduit par Éric Foulon, Commentaire de Michel Molin, Collection des universités de France Série grecque, n°551, 2020.

Le prix de L’Association récompense le livre de Gwenaëlle Aubry, directrice de recherche au CNRS, intitulé Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin. Il s’agit d’une « nouvelle édition revue et augmentée », très fortement remaniée sur des points essentiels, d’un premier ouvrage paru en 2006, sous le même titre et chez le même éditeur, dans la « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie ». Le volume porte à présent un sous-titre, « Archéologie de la Puissance. I », et constitue un diptyque avec un autre livre paru en 2018 sous le titre « Genèse du Dieu souverain. Archéologie de la Puis- sance. II ». La rédaction du second ouvrage, consacré dans le champ des études latines et médiévales à la genèse de l’attribut divin de toute-puissance, d’Augustin à Duns Scot, a permis à Gwenaëlle Aubry d’opérer un retour vers son ouvrage de 2006, et de concevoir ce qui est désormais véritablement un nouveau livre. L’ensemble du parcours de cette

« Archéologie de la Puissance » décrit un lent et vaste mouvement de la pensée antique et médiévale qui conduit du dieu aristotélicien sans puissance, et acte pur, au Dieu tout-puissant des médiévaux. L’ouvrage retrace au plus près des textes ce renversement qui substitue à l’ontologie aristotélicienne de l’en-puissance (δυνάμει) et de l’acte (ἐνέργεια) la théologie médiévale latine de la toute-puissance divine, qui aboutit à une conception de la puissance et de l’action caractéristique de la modernité. En effet, le dieu d’Aristote, le premier moteur de la Métaphysique, est « acte » (ἐνέργεια), il est sans puissance sans être impuissant et n’est ni le Dieu-Souverain de la théologie médiévale latine ni le dieu faible évoqué par exemple dans le livre de Hans Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz, et par d’autres philosophes contemporains. Dans cette histoire longue où s’articulent étroitement la méta- physique et la théologie, un tournant majeur, entre la conception aristotélicienne de l’acte pur sans puissance et le moment chrétien de la toute-puissance, est représenté, à la fin de l’Antiquité, par la pensée de Plotin qui dans des textes décisifs désigne le premier Principe, l’Un-Bien, non plus comme energeia mais comme « puissance de toutes choses » (δύναμις πάντων). La dunamis devient une puissance de production, elle désigne la productivité du parfait. Il s’agit donc là d’une rupture radicale par rapport à Aristote.

Le livre de G. Aubry est constitué de deux parties – d’ampleur inégale –, consacrées l’une (sur plus de 200 pages) à une lecture forte et cohérente de la Métaphysique d’Aristote, et l’autre, plus courte (un peu plus de 70 pages) à un parcours neuf et original des traités de Plotin, dont Gwenaëlle Aubry est aussi une spécialiste reconnue (elle a publié en 2004 la traduction commentée du Traité 53 [Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ?] dans la collection fondée par Pierre Hadot, qu’elle co-dirige actuellement chez Vrin). La première partie de l’ouvrage, intitulée « Dunamis-Energeia et le projet métaphysique d’Aristote », et composée de cinq chapitres, se présente d’emblée comme la réalisation d’un projet philosophique exigeant qui réexamine les questions majeures posées par l’ontologie aristotélicienne, autour de la notion d’ousia et des concepts de puissance/en puissance (δύναμις, δυνάμει) et d’acte/en acte (ἐνέργεια, ἐνεργείᾳ). Elle constitue une lecture extrê- mement fine, et un parcours d’ensemble, de la Métaphysique, et en particulier des livres Z, H, Θ et Λ, et l’on peut dire que ce livre est désormais un véritable guide pour la lecture d’Aristote (comme le montre l’impressionnant index en fin de volume), tant Gwenaëlle Aubry conduit son travail philosophique au plus près des textes, qu’elle commente en détail, n’hési- tant pas à l’occasion à discuter une variante. La nouveauté de cette deuxième édition, qui clôt le diptyque « Archéologie de la Puissance », en nouant fortement les deux volets de l’enquête et en soulignant par un système de renvois l’opposition entre le dieu-Bien d’Aristote et le Dieu-Souverain des théologies de la toute-puissance, réside dans l’intégration d’un chapitre entièrement refondu sur le livre Lambda de la Métaphysique, dont l’unité organique est soulignée : G. Aubry met en évidence le rôle central de Λ 5 qui énonce le principe de la continuité entre les substances sensibles et les substances intelligibles.

Au-delà de sa force philosophique, une qualité de ce livre doit être soulignée : Gwen-

aëlle Aubry expose des questions extrêmement complexes dans une langue claire et précise, où l’on reconnaît une maîtrise de notre langue qu’elle illustre aussi par son œuvre de roman- cière. L’acribie de ses analyses s’appuie sur une intelligence fine du texte grec où l’on recon- naît une véritable helléniste, qui est aussi traductrice de Plotin et de Proclus. Ces qualités littéraires et philologiques s’accompagnent d’une connaissance parfaite de l’abondante lit- térature secondaire sur Aristote et Plotin, et le travail philosophique s’appuie sur une éru- dition qu’on ne prend guère en défaut. Le soin avec lequel est présentée la bibliographie utilisée (p. 309-326), et surtout les Index (p. 327-350) doit être signalé. En particulier, l’index des textes d’Aristote et de Plotin, par son ampleur, fera de ce livre, également, un véritable instrument de travail, extrêmement utile à d’autres chercheurs.

Le prix de l’Association a également été attribué à Denis Feissel pour ses Études d’épi- graphie et d’histoire des premiers siècles de Byzance. Regroupant trente-deux articles parus entre 1976 et 2014, ce volume complète et amplifie dans certaines directions un ouvrage du même auteur édité dix ans plus tôt, intitulé Documents, droit, diplomatique de l’Empire romain tardif (Paris, 2010). Le choix opéré se veut représentatif des thématiques de recherche récurrentes de l’auteur, permettant ainsi de suivre sur la longue durée l’évolution et les avancées de sa réflexion et des résultats obtenus. Il fait par ailleurs place à des études d’accès difficile que le présent format met désormais à la portée de tous. Les articles ori- ginaux n’ont pas été réimprimés tels quels. Les références bibliographiques ont été harmo- nisées. L’auteur a, quand c’était nécessaire, complété ses articles par des ajouts finaux qui tiennent compte des progrès de la recherche. Le volume se clôt sur cinq indices (un index prosopographique, des anthroponymes grecs, des lieux, des toponymes et enfin des sources) qui permettent d’utiliser ce recueil comme une monographie. On a donc là un ouvrage élégant par sa forme et original par son contenu qui constitue désormais la version de référence d’une partie de la production scientifique de Denis Feissel.

Celle-ci couvre tous les aspects de l’histoire des premiers siècles de Byzance. Quiconque s’intéresse à cette période ne peut faire l’impasse sur ces études qui, par petites touches, aussi soignées dans la forme que précises et définitives dans le contenu, font revivre l’An- tiquité tardive sous toutes ses facettes, qu’elles soient institutionnelles, sociales ou cultu- relles. L’ouvrage est organisé en trois parties : la première (« Quatre aspects de l’épigraphie protobyzantine ») offre quatre échantillons des recherches épigraphiques de D. Feissel, l’une de nature institutionnelle (sur l’évêque), la deuxième historiographique (sur l’apport des savants français et belges en matière d’épigraphie grecque et micrasiate), la troisième sociolinguistique (sur les inscriptions latines dans l’Empire romain d’Orient) et enfin la dernière onomastique (sur les continuités que l’on observe dans ce domaine entre l’Anti- quité et l’époque protobyzantine). La partie centrale de l’ouvrage « Épigraphie et aires régionales du monde protobyzantin », rassemble vingt études sur des inscriptions qui couvrent le monde byzantin dans toute son extension géographique, depuis Constantinople et l’Asie Mineure, jusqu’à l’Italie (avec Venise), en passant par le Proche-Orient (avec la Syrie et le Liban). Une troisième partie conclut l’ouvrage avec huit études de prosopographie et d’historiographie centrées sur le vie s.

Ce volume offre au lecteur la quintessence de la production de Denis Feissel. Dans la

lignée des travaux de Louis Robert, l’auteur accorde une place centrale à la prosopographie et à l’histoire des institutions (aussi bien civiles que cléricales), et montre la prégnance de l’épigramme honorifique (un des traits saillants de la culture de l’Antiquité tardive, ici illustré par des inscriptions métriques de Constantinople, de l’Asie Mineure et de Syrie-Phénicie). Il s’intéresse à la géographie historique du monde byzantin à tous ses niveaux, depuis sa capitale, Constantinople, jusqu’aux villages du fin fond de la Syrie et étudie tous ces lieux dans leur dimension topographique, pour leur toponymie ou pour ce qu’ils nous apprennent, sur un plan plus historique, des migrations de leurs populations. La méthode combine tous les types de sources, utilisées avec une égale dextérité, selon les diverses approches disciplinaires qu’elles impliquent : outre les inscriptions, les papyrus sont fréquemment mis à profit ainsi que les sources littéraires (notamment les recueils juridiques, les chroniqueurs, les Patria byzantins, les Actes des Conciles ou les hagiographies) – sources littéraires qui constituent parfois l’objet même de certaines des études (comme les Lettres de Julien, les itinéraires, la Chronique de Jean Malalas ou le Des magistratures de Jean le Lydien). La connaissance encyclopédique des diverses sources disponibles et leur maniement toujours impeccable forcent l’admiration de même que la façon dont elles sont soumises à une acribie philologique qui pousse très loin l’exigence et qui nous vaut une moisson de corrections ou de nouvelles lectures. Chacune de ces sources est examinée selon une multitude d’approches (onomastique, métrologie, langue, topographie, etc.) qui témoignent de la curiosité, de l’ingéniosité et de la virtuosité de celui qui les scrute. Ce volume, qui, avec son pendant de 2010, totalise à peu près la moitié des articles publiés par Denis Feissel, peut être à juste titre considéré comme le couronnement d’un parcours scientifique marqué par l’excellence.

Le prix Zographos distingue l’édition critique que donne Lionel Dumarty du Traité des adverbes d’Apollonius Dyscole aux éditions Vrin dans la collection « Textes et traditions ». Ce livre est la version remaniée d’une thèse de doctorat préparée à Lyon sous la direction d’Isabelle Boehm et soutenue en 2018. L’œuvre d’Apollonius Dyscole, grammairien alexan- drin du iie siècle de notre ère, est fondamentale dans le domaine de l’histoire de la gram- maire et de la linguistique et dans celui de la philosophie du langage. Elle est le témoin le plus anciennement conservé de l’intérêt porté par les grammairiens antiques aux parties de la phrase et fut une référence pour toute la tradition grammaticale grecque et latine jusqu’à la fin du Moyen Âge byzantin.

La publication de ce type d’ouvrage est particulièrement ardue, car il faut rendre acces- sibles des notions et des théories grammaticales qui sont bien distinctes de celles d’au- jourd’hui. Peu nombreux sont les hellénistes français qui osent s’y aventurer. Deux traités ont fait l’objet d’une édition française abondamment commentée, celui de la Syntaxe, publié par Jean Lallot en 1997, et celui des Conjonctions, par Catherine Dalimier, en 2001, parus tous deux chez Vrin, dans la série « Histoire des doctrines de l’Antiquité classique ». Man- quaient jusqu’ici une édition scientifique moderne et une traduction française de deux autres ouvrages, l’Adverbe et le Pronom. La parution du traité de l’Adverbe vient combler en partie cette lacune.

L’introduction expose en une soixantaine de pages le peu que l’on sait de la vie d’Apol- lonius, les reconstitutions diverses concernant la chronologie relative de ses ouvrages, la méthode de travail du grammairien, la conception d’ensemble de son œuvre et les principes adoptés dans cette édition. Lionel Dumarty rappelle que le Traité des adverbes formait sans doute un des trois volets conservés (avec le traité des Conjonctions et celui du Pronom) d’un vaste ensemble regroupant les huit parties de la phrase, si l’on se réfère à la notice de la Souda consacrée à Apollonius. Dans une sous-partie intitulée « Grammatologie de l’adverbe », l’auteur s’interroge sur l’adverbe comme catégorie grammaticale et met en évidence les liens qui unissent les parties du discours, par exemple, sur le plan morpholo- gique, adverbe et conjonction, ou adverbe et forme casuelle. Il aborde les problèmes de méthode de classement des mots et de dénomination des catégories de mots, valables pour l’ensemble de l’entreprise d’Apollonius et à l’œuvre dans ce traité. L’adverbe, parce qu’il ne se décline ni se ne conjugue, appartient à une catégorie spécifique. La terminologie grammaticale est peut-être la difficulté la plus grande qui s’est posée à l’éditeur scientifique. Elle suppose une compréhension aussi juste que possible du grammairien lui-même et des choix en français moderne de termes qui soient des équivalents terminologiques clairs sans être anachroniques.

Le texte et sa traduction sont précédés d’un plan du traité qui met en lumière tout l’intérêt de l’ouvrage : définition de l’adverbe, place de l’adverbe, examen des mots ambi- gus forment la première partie du traité et mettent en relief les zones floues entre verbe et nom, entre adverbe et verbe, entre adverbe et participe. Après avoir défini l’adverbe comme

« un mot invariable qui prédique un verbe », Apollonius recense plus de six cents adverbes distribués dans une vingtaine de types morphologiques. La seconde partie présente les différentes espèces d’adverbe, analyse certains adverbes dont la graphie est douteuse, puis les adverbes classés d’après leur finale (de –α à –υ ). Le grammairien énonces les principes fondamentaux de formation des adverbes, signale les irrégularités (barbarismes ou variantes dialectales), distingue dérivation et altération. Lionel Dumarty offre une présentation du texte grec et de sa traduction soignée qui facilite la lecture en matérialisant les exemples en gras en grec, en italique dans la traduction. Les notes en bas de page sont brèves et strictement textuelles. Le commentaire méthodique en fin de volume est clairement présenté, sous forme de notices en tête desquelles est systématiquement repris l’essentiel du propos d’Apollonius. La commission a salué une entreprise scientifique de haute tenue qui vient combler une lacune.

Notre Association a également décerné le prix Zographos au livre d’Anne-Valérie Pont, La fin de la cité grecque. Métamorphoses et disparition d’un modèle politique et institu- tionnel local en Asie Mineure, de Dèce à Constantin. Le sujet traité est d’un intérêt consi- dérable, puisqu’il s’agit d’analyser et d’expliquer la disparition progressive, en l’espace de trois générations seulement, de la cité grecque telle qu’elle avait prospéré en Anatolie durant le Haut-Empire. L’ouvrage s’ouvre par une introduction substantielle, où l’auteur définit lecadre civique et la nature de la documentation épigraphique et passe en revue les principaux travaux antérieurs sur lesquels elle porte un jugement critique mais toujours pondéré.

L’ouvrage accorde une importance majeure au fait religieux à travers, prioritairement, les textes de caractère hagiographique et juridique : une attention extrême est portée au récit des persécutions et des martyres, à travers des récits dont l’exploitation à des fins d’histoire exige évidemment quelques précautions. L’étude porte notamment sur la per- sécution menée au milieu du iiie siècle par l’empereur Dèce, dont l’édit imposait à tous les habitants de l’Empire de sacrifier aux divinités du panthéon traditionnel. L’auteur tente d’en mesurer l’impact à travers de nombreux témoignages qui sont analysés de manière systématique, région après région. Elle étudie de même l’édit de Valérien, qui visait explicitement les chrétiens, et d’autres épisodes plus tardifs. Elle s’interroge sur les rapports de solidarité ou d’hostilité que les habitants d’une ville pouvaient entretenir avec ces concitoyens dont la croyance était rarement comprise. À l’inverse, le détachement des chrétiens vis-à-vis de la cité terrestre peut être perçu au iiie siècle comme une « contestation de l’identité civique ».

Parallèlement, l’Asie Mineure connaît, dans la deuxième moitié de ce iiie siècle, plusieurs invasions, alors que cette région avait vécu largement en paix durant tout le Haut-Empire. L’auteur recense avec soin l’ensemble des sources historiographiques et épigraphiques pour déterminer l’impact, sur la vie intérieure des cités, de ces « raids barbares ». Les nombreux trésors monétaires enfouis à cette époque témoignent également de l’insécurité qui règne alors. Anne-Valérie Pont porte également son attention sur les faits de brigandage, dont il y de nombreux échos dans les sources. Les cités déploient des efforts pour assurer, autant que faire se peut, leur propre défense. Des levées de troupes sont attestées, et on connaît plus d’une inscription mentionnant l’octroi d’honneurs à des personnages s’étant illustrés dans la guerre. Les cités soutiennent fréquemment l’action des empereurs en campagne. Les évêques contribuent parfois à cet effort. L’idéal civique, toujours vivace, se manifeste notamment dans la célébration des concours, dont certains ont survécu aux grands boule- versements des années 270.

Dans une deuxième partie intitulée « Cités grecques et structures impériales, jusqu’à Dioclétien », l’auteur étudie l’évolution des « pratiques civiques » dans la deuxième moitié du iiie siècle et la mise en place de nouvelles « hiérarchies administratives » accompagnant une plus grande « centralisation du pouvoir impérial ». Des changements incontestables se font jour. Anne-Valérie Pont montre que la participation du dèmos aux affaires publiques est alors en net recul, mais qu’une vie civique assez intense se prolonge néanmoins à travers l’activité du Conseil : le titre de bouleute se rencontre encore très souvent dans les inscrip- tions honorifiques, et la fonction de « boulographos », magistrat préposé à la tenue de l’album sénatorial local, prend de l’importance. L’éventail des magistratures tend aussi à s’appauvrir. Le nombre des grands évergètes semble être alors en régression. Les membres du Sénat romain, relativement nombreux dans la péninsule, échappent aisément aux litur- gies de leur cité d’origine ou de domicile, même si la documentation offre des exceptions. Il y a donc, d’une manière générale, un certain « désinvestissement » de la part des élites. Enfin, les années 275-276 sont marquées par l’arrêt assez brutal des monnayages civiques. Anne-Valérie Pont étudie le déséquilibre croissant entre l’autonomie des cités et le pouvoir central représenté par l’administration impériale dans chacune des provinces. Un point capital est l’importance accrue des fonctions assumées pour l’État romain sur des bases censitaires. À l’époque de Dioclétien, les cités sont devenues des relais importants du pou- voir impérial, notamment sur le plan fiscal.

Enfin, dans une troisième partie consacrée à la « dissolution des liens civiques », l’au-

teur montre que les grandes persécutions de Dioclétien et de ses associés, entre 304 et 312, ont eu un effet délétère sur la cohésion sociale, du fait de la condamnation à mort ou de la fuite de très nombreux chrétiens, également victimes d’expropriations. Certes, la conversion de Constantin en 312 permit, bien souvent, aux adeptes de la nouvelle religion de retrouver leur cité d’origine. Mais la stasis avait été trop violente et la rupture trop profonde pour que la polis en tant que communauté de citoyens partageant un même idéal pût se relever de ce coup fatal. Pour Anne-Valérie Pont, le long règne de Constantin – partagé d’abord avec Licinius (particulièrement actif en Orient) jusqu’à l’élimination de ce dernier en 324 – fut synonyme, dans les cités d’Asie Mineure, de « l’effacement de la communauté politique » (pour reprendre le titre de son dernier chapitre), et cela malgré les indices parfois allégués par d’autres chercheurs, en faveur d’une certaine continuité durant tout le ive siècle encore. Cet ouvrage offre l’intérêt de défendre avec netteté (mais aussi avec un vrai sens de la nuance) une thèse de grande portée historique, fondée sur un très large éventail d’arguments puisés dans toutes les sources disponibles. L’auteur défend ses positions en tenant toujours compte de l’opinion de ses devanciers, sans se départir jamais d’une sorte d’équanimité qui donne un poids supplémentaire à ses conclusions (d’autant plus crédibles que celles-ci font l’objet d’une confrontation avec les résultats obtenus, pour la même époque, par les histo- riens des provinces latinophones de l’Afrique romaine). En philologue, Anne-Valérie Pont manifeste une attention particulière pour l’édition des textes, quelle que soit leur nature, qui sont reproduits largement et munis systématiquement d’une traduction, souvent originale pour ce qui est documents épigraphiques.

Le prix Reinach couronne le livre de Vivien Longhi, Krisis ou la décision génératrice. Épopée, médecine hippocratique, Platon. Dans cet ouvrage issu d’une thèse de doctorat sou- tenue en 2015 à la Sorbonne sous la direction de Paul Demont, l’auteur examine le champ sémantique, les principaux domaines d’application et les enjeux philosophiques du terme krisis et des termes apparentés. L’ampleur et la richesse des usages du terme et des notions qui lui sont associées montrent, non seulement qu’il est au cœur de la culture grecque archaïque et classique, mais également qu’il fait l’objet d’un investissement délibéré chez les auteurs examinés par Vivien Longhi. L’ouvrage vient ainsi réparer un oubli des études classiques en consacrant enfin à la krisis un examen approfondi dans les trois champs considérés qui correspondent aux trois étapes du livre : l’épopée, la médecine hippocratique et les dialogues de Platon.

Alors que la bibliographie existante privilégie systématiquement les usages juridiques ou politiques du terme, la nouvelle cartographie sémantique proposée par Vivien Longhi montre que la krisis est toujours liée à l’idée de tri et de séparation, y compris dans son usage médical. Il estime corrélativement, contrairement à ce que Galien lui-même donne à penser, que l’usage médical du terme n’est pas une simple métaphore tirée des usages juridiques. La juste krisis ou l’expertise en la matière sert à identifier et séparer des éléments mêlés, à partir de leur observation. La notion grecque s’éloigne ainsi de l’idée moderne de « crise », qui se situe toujours « en amont de tout règlement possible » (p. 11). La krisis, telle qu’elle est définie par Vivien Longhi, est avant tout une « décision », et plus encore, comme le titre du livre l’indique, une « décision génératrice », c’est-à-dire productrice d’effets ou révélatrice d’un état ou d’une situation qui rend l’action possible. L’arbitrage des jeux chez Pindare, ou le tri des guerriers sont conditions d’une victoire. Le tri médical que constitue le moment du pronostic améliore ou restaure le « mélange de santé » (p. 288). Ainsi, toute maladie passe par une crise et manifeste des signes et une temporalité critiques. Chez Platon, l’opération désignée par le verbe krinein, le jugement, permet de surmonter la contradiction du sensible et de se défaire des illusions des sens, ou d’organiser la cité. Dans les dialogues, le terme de krisis tend à perdre sa spécificité en étant intégré au lexique général des opérations intellectuelles. Avec discernement et honnêteté, l’auteur marque ainsi les limites de sa propre interprétation. Finalement, pour Vivien Longhi, la krisis est « déci- sive », dans la mesure où elle témoigne d’une « puissance de transformation » de la part du sujet qui sait la mettre en œuvre. Elle est toujours « un tri qui améliore » et « vient trancher une alternative redoutable entre la stagnation destructrice et au contraire un élan nouveau » (p. 289).

Helléniste de formation et de profession, Vivien Longhi sait présenter les textes et en tirer des interprétations claires, jamais forcées. L’information bibliographique est très com- plète, bien organisée et attentive aux classiques de la littérature spécialisée comme aux publications récentes. Loin de se limiter à la littérature francophone et anglophone, l’auteur fait une place consistante aux travaux en allemand. Les deux indices (index locorum et index des mots grecs) contribuent à faire de ce livre un véritable instrument de travail. La commission a souhaité saluer un ouvrage clair, précis, argumenté, qui se lit avec beaucoup de plaisir et d’intérêt et un livre qui ouvre, avec modestie et élégance, de réelles perspectives de recherches.

Le prix Zappas récompense l’ouvrage de Dimitrios Zaganas, La formation d’une exé- gèse alexandrine post-origénienne. Les Commentaires sur les Douze prophètes et sur Isaïe de Cyrille d’Alexandrie. En choisissant d’étudier ces œuvres de Cyrille d’Alexandrie, Dimi- trios Zaganas s’est attelé à l’étude d’un corpus immense et largement inexploré, qui n’est toujours pas traduit en français. Le Commentaire sur Isaïe ne bénéficie même pas encore d’une édition critique. Depuis l’ouvrage général d’A. Kerrigan en 1952 qui porte sur l’exé- gèse vétéro-testamentaire de Cyrille et auquel on continue à se référer, il n’existait aucune synthèse consacrée à ses deux commentaires sur les Prophètes. Le titre « la formation d’une exégèse alexandrine post-origénienne » contient le cœur de la thèse, à savoir montrer l’ori- ginalité de la démarche herméneutique de Cyrille au sein de la tradition alexandrine. Faisant la part de l’héritage origénien, il dégage avec beaucoup de finesse la distanciation, les oppositions, les innovations de Cyrille, bref la mutation qu’il fait subir à la tradition alexan- drine, une prise de distance qui s’explique dans le cadre d’une double polémique contre les juifs et contre les païens. L’ouvrage a donc pour but d’analyser la méthode herméneutique de Cyrille. Son objectif n’est pas de traiter un thème particulier de l’exégèse cyrillienne, ni même d’exposer le contenu des commentaires sur les Prophètes, mais de situer cette exé- gèse par rapport à celle du grand maître alexandrin, Origène. Si Cyrille prend ses distances par rapport à Origène sans doute sous la pression des critiques antiochiennes, il n’en devient pas pour autant antiochien dans la mesure où son exégèse reste malgré tout beaucoup plus christocentrique que celle de Théodore de Mopsueste par exemple.

L’ouvrage comporte trois parties. La première (« Cyrille exégète alexandrin ») étudie finement les outils méthodologiques caractéristiques de l’exégèse alexandrine, qu’il s’agisse de la philologie ou des moyens de mettre au jour le sens spirituel, comme le recours à l’habitude scripturaire, les équivalences métaphoriques, les interprétations doubles, la typo- logie, l’exégèse morale. La deuxième partie, de loin la plus longue, analyse comment Cyrille a transformé la tradition alexandrine, en montrant qu’il se soucie de prendre ses distances vis-à-vis de l’allégorie origénienne, soit dans le vocabulaire (en supprimant le terme allegoria de sa terminologie), soit dans l’interprétation (en revendiquant l’importance de l’aspect historico-littéral de la prophétie). C’est en effet le premier exégète alexandrin qui accorde autant d’importance à l’historia de l’Écriture, comme le prouve son intérêt pour la lexicographie et pour l’apport d’autres sciences dans l’explication du texte, géographie, zoologie, botanique, recours aux realia. Il faut ainsi saluer l’analyse de l’interprétation du mariage d’Osée comme un petit contra allegoriam. S’écartant de l’interprétation alexan- drine et pour défendre la réalité historique de la Bible, Cyrille relativise également l’impor- tance de l’étymologie des noms hébreux (à propos de Melchisédech ou de Malachie), et s’attache à défendre la nature humaine de certains personnages bibliques qui avaient pu être assimilés à l’Esprit saint ou à des anges. Cette attention à l’historia ne l’empêche nullement de mettre son exégèse au service de la théologie trinitaire, en particulier dans une visée antiarienne, et de sa christologie. Mais si le mystère du Christ constitue la finalité des Prophètes et l’accomplissement de la Loi, il n’implique nullement l’abrogation de l’Ancien Testament. Pour Cyrille, il ne s’agit pas d’une abolition, mais d’une transformation, comme l’illustre la comparaison avec la sculpture recourant à la technique de la cire perdue : alors qu’en apparence le modèle de cire semble être supprimé au moment où la cire fond au contact du bronze en fusion, il est en réalité achevé et parfait. La troisième partie aborde la question redoutable des sources et contribue, de manière souvent très neuve, à une enquête immense. Sur ce sujet, le résultat le plus notable est la réfutation d’une thèse émise par Abel, reprise par Kerrigan, et considérée par la suite comme un fait bien établi, selon laquelle Cyrille dépendrait de Jérôme pour les variantes textuelles de la Septante, pour son utilisation de Flavius Josèphe et des légendes juives ou pour ses données géographiques. S’il est question de modèle, c’est vers Eusèbe de Césarée qu’on doit se tourner tout en réalisant que Cyrille s’avère être un lecteur « critique » de ce dernier. Il étudie également ce que Cyrille doit à Athanase, Théophile d’Alexandrie et Isidore de Péluse.

En étudiant la méthode exégétique de Cyrille, l’auteur cherche donc à démêler ce qui fait partie de l’héritage origénien de ce qui s’y oppose ou constitue une nouveauté par rapport à la tradition alexandrine, tout en recherchant les raisons des transformations observées et en déterminant les influences subies. Cet ouvrage fourmille d’analyses fines et rigoureuses fondées sur de nombreuses citations, toujours traduites avec précision et élégance, ce qu’il faut saluer étant donné la difficulté du style de Cyrille. L’annotation est extrêmement riche et fournit également des ouvertures sur la postérité de Cyrille. On relève ainsi des liens avec Justinien (p. 299), Jean Damascène (p. 302), Maxime le Confesseur qui dépendrait de l’In Isaiam de Cyrille (p. 309), Procope de Gaza (p. 311), Ammonius qui puise peut-être chez Cyrille (p. 314), Théophylacte d’Achrida. L’ouvrage se clôt par une bibliographie et des indices (biblique, des sources, des mots grecs). L’Association a récompensé un ouvrage extrêmement clair et intelligent qui témoigne de capacités remarquables d’analyse et apporte une contribution réellement nouvelle et importante à la compréhension des œuvres de Cyrille d’Alexandrie

Notre Association honore, cette année, du prix Delepierre le livre d’Anne-Marie Guimier- Sorbets, Mosaïques d’Alexandrie. Pavements d’Égypte grecque et romaine. Grâce à son excellente connaissance des mosaïques conservées au Musée gréco-romain d’Alexandrie et à l’apport des fouilles menées depuis les années 1980, Anne-Marie Guimier-Sorbets propose une histoire de la mosaïque au prisme alexandrin. Les productions alexandrines sont à la fois l’objet de l’ouvrage et le prétexte à un exposé d’ensemble sur cette technè. Les ateliers alexandrins se sont d’abord inscrits dans la continuité d’un art importé principalement de Macédoine et ont ensuite joué un rôle de premier plan dans son évolution. Ils ont essaimé à leur tour dans le Nord de l’Égypte, dans les autres royaumes hellénistiques et dans l’en- semble du bassin méditerranéen, comme l’attestent la mosaïque du Nil de Palestrina ou les mosaïques de la Maison du Faune à Pompéi.

L’ouvrage comprend neuf chapitres très richement illustrés de 241 figures, douze enca- drés développant des aspects techniques ou iconographiques avec une illustration propre de 61 figures, un catalogue des soixante-dix mosaïques analysées dans le corps du texte, des annexes et une bibliographie de près de 260 titres.

Les trois premiers chapitres sont principalement consacrés aux aspects techniques, dont on suit l’évolution depuis les mosaïques de galets avec des lamelles de plomb marquant les contours. Assez rapidement, les premiers pavements alexandrins révèlent des innovations techniques : sans que l’on puisse dire si on leur doit ou non l’introduction de l’opus tessel- latum, les ateliers taillent des pierres dont la forme est adaptée aux lignes du dessin ou utilisent des tesselles cubiques de pierre ou de terre cuite dont l’ajustement limite l’épaisseur des joints, puis affinent encore cette technique avec le recours à l’opus vermiculatum. Suivant les courants et s’inspirant des modèles de l’art pictural, illustrés notamment par l’emploi de couleurs vives, de jeux d’ombres et de lumières, ils enrichissent leur palette de couleurs par l’emploi du verre ou de la faïence et l’utilisation de mortiers colorés. Ils atteignent ainsi un haut degré de perfection dans la reproduction de tableaux, introduisent l’illusion de la perspective dans le motif du méandre à svastikas et carrés polychrome, dans les jeux de cubes ou le motif du guillochis, développent également de nouveaux motifs comme le fleuron, dans ses différentes déclinaisons : inscrites dans un carré, ces compositions circu- laires, qui recourent volontiers au gorgοneion pour l’embléma, s’ornent aux écoinçons de motifs qui évoquent Dionysos – motifs végétaux ou cratères – et qui sont particulièrement bienvenus dans les salles de banquet.

À l’époque impériale, où les progrès de l’architecture livrent aux ateliers des espaces plus grands, les mosaïstes alexandrins limitent la gamme des matériaux utilisés et n’échappent pas totalement à l’influence des ateliers occidentaux et, en particulier, au style noir et blanc. Néanmoins, ils préfèrent orner les pavements de panneaux juxtaposés plutôt que d’adopter les grandes compositions unitaires. De nouveaux types de sol font leur apparition : l’opus spica- tum, que permet le développement de la brique cuite, disposée de chant et en chevrons, et qui est principalement utilisé dans les « locaux techniques » et dans les thermes ; l’opus sectile cède parfois la place à un sol fait d’éclats de pierres colorées insérés dans du mortier de façon aléatoire ou de manière à former, au contraire, des figures géométriques. C’est à l’époque impériale également que se développent les mosaïques pariétales.

Le chapitre IV est consacré à l’iconographie. L’univers dionysiaque est souvent mis à l’honneur, ainsi que le domaine amoureux. Les mosaïstes alexandrins développent aussi un goût marqué pour le répertoire animalier, en particulier les oiseaux et les poissons, mais aussi les animaux sauvages ou domestiques. Ce bestiaire va être en particulier exploité dans le cadre de scènes nilotiques et la vogue d’inspiration alexandrine va s’exporter largement en Méditerranée.

Tandis que le chapitre V étudie l’inscription des mosaïques dans leur contexte archi- tectural, le chapitre VI analyse l’organisation de la production, selon que la mosaïque est fabriquée sur place ou au contraire est d’abord réalisée en atelier, avant d’être transportée et insérée dans le pavement, ce qui est notamment le cas des emblemata. Le chapitre aborde également la question de la pose de l’opus sectile, qui a une tradition remontant en Grèce au ive siècle avant notre ère La technique, notamment en pose inversée, est attestée à Alexandrie dès le début de l’époque hellénistique et utilisée à l’époque impériale, en décor de pavement ou de murs. C’est précisément à « l’artisanat de luxe alexandrin » que l’on attribue les célèbres panneaux en opus sectile de verre, retrouvés immergés dans le port de Kenchréai.

Le chapitre VII étend l’enquête à l’Antiquité tardive, que ce soit en contexte païen ou chrétien – une période qui maintient vivante la culture classique par ses emprunts au réper- toire mythologique, alors même que le christianisme est installé à Alexandrie. Dans l’archi- tecture chrétienne, la partition entre sols en opus sectile et murs de mosaïques, fréquente dans les thermes, est adoptée dans les églises.

Intitulé « le rôle d’Alexandrie dans l’histoire de la mosaïque », le chapitre VIII propose une synthèse historique, tandis qu’un ultime chapitre explore les avatars de l’art de la mosaïque dans l’Alexandrie contemporaine.

Destiné « au grand public cultivé », l’ouvrage est aussi de ceux auxquels les spécialistes se réfèreront. Très richement illustré, il tient le juste équilibre entre l’exigence scientifique et une vulgarisation de haut niveau. C’est tout à la fois un livre d’art et de savoir que notre association a tenu à distinguer.

En décernant le prix Desrousseaux au livre de François Queyrel, La Sculpture hellénis- tique, Royaumes et cités, notre association a voulu reconnaître le caractère exceptionnel de l’œuvre d’un des meilleurs spécialistes européens de la sculpture grecque antique. Dans plu- sieurs travaux savants et de très nombreux articles, François Queyrel a renouvelé notre vision du portrait dans les cités et les royaumes de la Méditerranée orientale. Il a écrit plusieurs ouvrages de référence dont une étude sur l’autel de Pergame et un essai, récemment réédité en poche, sur le Parthénon et son décor. Il a multiplié les collaborations scientifiques avec ses collègues des universités allemandes et anime avec succès un séminaire d’archéologie à l’École des Hautes Études. Actif sur Internet, il a mis sur pied, en collaboration avec Lorenz Baumer, Histara, un site de comptes rendus sur l’histoire de l’art et l’archéologie.

À l’école de Jean Marcadé qui l’a formé et dans le sillage des ouvrages de Claude Rolley consacrés à la Grèce archaïque et classique, François Queyrel vient d’achever un ensemble en deux volumes sur la sculpture hellénistique. Le premier volume paru en 2016 aux éditions Picard était consacré aux « Formes, thèmes et fonctions » de la statuaire hel- lénistique. Ce livre forme comme une grammaire des styles. Il définit les caractères de cet art majeur et envisage les approches qui permettent de mieux le connaître. Il s’intéresse aux principales catégories de cet art polymorphe : statues divines, sujets de genre, sculptures d’appartement, etc. Ce premier volume s’attache enfin à la réception de chefs-d’œuvre, comme la Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace ou le sarcophage d’Alexandre. Le second volume — un volume in-quarto de 435 pages et de presque autant de figures, le plus sou- vent en couleurs — a été publié en juin 2020 chez Hermann. C’est le couronnement d’une entreprise qui fait vieillir deux classiques : la somme de Margaret Bieber, dont la seconde édition a plus d’un demi-siècle, et les monographies de Roland Ralph Redfern Smith, dont la carrière à Oxford au service de ses étudiants est bien remplie.

L’ambition de François Queyrel dépasse celle d’un auteur de manuel. Après avoir mené à bien l’analyse des composantes de la sculpture hellénistique, l’auteur a choisi, dans ce volume de synthèse, de replacer chefs-d’œuvre et ouvrages plus modestes dans l’histoire d’ateliers, dont les développements et les réussites sont inséparables de grandes régions. Mais ces lieux de production sont en fait des lieux de consommation. La statuaire, dès le règne des diadoques, est un marché dominé par la clientèle des grandes familles, des rois et de leurs cours. Les artistes et les artisans, souvent en situation de mobilités, exécutent les désirs de commanditaires. L’art des cités et des royaumes à l’époque hellénistique est le reflet d’un art de vivre, à la fois universel et particulier. La koiné n’exclut pas la variété des inspirations ; elles sont nourries par la diversité des territoires et par celle des réalités sociales d’ensembles toujours hybrides.

Les livres consacrés à l’art grec ne sont trop souvent que de jolis albums. Ce n’est pas le cas du substantiel ouvrage de François Queyrel, qui, images à l’appui, lie création artistique et histoire politique, sans manquer d’analyser les interactions entre sculpteurs et commanditaires. Ce beau volume montre comment les sculptures sur la place publique, dans les sanctuaires ou à l’intérieur des maisons éclairent, au quotidien, la vie des royaumes et des cités du monde hellénistique. Ce vaste espace, défini par les conquêtes d’Alexandre, s’étend jusqu’aux portes de l’Indus. Mais ce monde n’est pas unifié, comme le souligne l’étude des grands ateliers. L’auteur adopte une approche régionale et présente les productions selon un ordre géographique. Place est d’abord faite au royaume de Macédoine et aux régions avoi- sinantes, de l’île de Thasos jusqu’à la mer Noire. Vient ensuite Athènes. La découverte de ce foyer culturel d’exception se conclut par une échappée sur les portraits de philosophes. Le voyage reprend à Pergame ; il s’attache ensuite aux cités d’Asie Mineure et aux mondes insulaires, Samos et Rhodes avant de faire une grande place aux créations lagides. La visite s’achève par un pèlerinage délien et un parcours dans le Péloponnèse, dont l’un des meilleurs moments est la présentation des œuvres de Damophon, à l’Asclépieion de Messène. Un chapitre revient sur quelques œuvres de la Grande-Grèce, à partir de deux exemples : celui de Tarente avant la prise de la cité par les Romains en 209 et celui de Syracuse, qui, à l’époque de Hiéron II, connut un grand essor de l’orfèvrerie. La conclusion porte sur le rôle moteur de Rome dans l’invention de formules nouvelles (développement d’un art archaïsant et goût pour les sujets de genre) et sur l’importance des commandes de magistrats victo- rieux, dès les premières expéditions militaires conduites en Méditerranée orientale.

Ce panorama ne se limite pas aux grandes perspectives. Le paysage d’ensemble se nourrit d’études de détail au travers d’une série de monographies originales. La tombe de Philippe à Vergina est attribuée, non au père d’Alexandre, mais à son demi-frère Philippe III Arrhidée. Le combat des Géants du grand autel de Pergame ne témoigne pas d’une frénésie baroque, mais de la reprise consciente de schémas de composition usuels dans l’art clas- sique athénien. Les portraits des souverains lagides développent une iconographie mixte, gréco-indigène, où les fonctions de la statue pharaonique ne sont jamais oubliées. Quant à Rome, non seulement, elle importe, dès le iie siècle avant J.-C., les œuvres d’ateliers de Rhodes ou d’Athènes, mais elle accueille dans ses murs de nombreux artistes grecs, qui imposent aux Romains du siècle des Scipions un art classicisant.

Il est important de souligner que ce travail, informé de toutes les grandes découvertes récentes et lesté d’une copieuse bibliographie, est l’œuvre d’un historien de l’art qui est un véritable helléniste. François Queyrel utilise les données textuelles pour construire des démonstrations originales. Ainsi, à propos des statues familiales qui accompagnent l’Hestia du bouleutérion de Kymè, l’épigraphiste fait usage des inscriptions pour reconstituer ce monument familial honorifique et il présente, à partir de la signature figurant sur deux statues jumelles, le sculpteur pergaménien Ménestratos, fils d’Hippias. De même à propos du Colosse de Rhodes, François Queyrel ne manque pas de citer Pline et Philon de Byzance et traduit la dédicace dite du Colosse, incluse dans la Guirlande de Méléagre. Bref, l’auteur, sensible aux réalités sociales et attentif au sens des mots — qu’ils soient grecs ou latins —, associe, avec beaucoup de finesse, les textes et les images. Profitant de la sortie de ce magni- fique ouvrage, l’Association a voulu rendre hommage à une œuvre remarquable et a un savant de dimension internationale dont les ouvrages sont susceptibles de convaincre les spécia- listes et séduire le grand public.

Le prix Raymond Weil est décerné à l’édition de Dion Cassius, Histoire romaine, livres 78, 79 & 80, dont le texte a été établi et traduit par Éric Foulon et commenté par Michel Molin dans la Collection des Universités de France aux Belles Lettres. Jusqu’ici, l’édition de Dion Cassius dans cette collection n’avait concerné que les livres « complets » (36-60) – 8 volumes publiés à ce jour, soit 15 livres. L’édition de Dion Cassius entre donc dans une nouvelle phase, en abordant (par la fin) les « décades fragmentaires » (livres 1-35 et 61-80), conservées dans la tradition indirecte des excerpteurs et épitomateurs byzantins. Au sein de ce groupe, les livres 78-80 constituent, cependant, une exception remarquable puisque l’on dispose pour eux d’un témoin de la tradition directe, le Vaticanus gr. 1288, qui conserve les vestiges (13 folios) d’une édition complète de l’Histoire romaine, luxueuse et de grandes dimensions, copiée en onciale à la fin du ve siècle, probablement en Syrie ou en Palestine, et constituée originellement de deux volumes de quelque 480 folios chacun. Ce manuscrit, bien connu des éditeurs antérieurs et déjà remarquablement décrit par Carlo-Maria Mazzucchi notamment, a été entièrement collationné à nouveaux frais sur microfilms par Éric Foulon, avec un bénéfice certain puisque le texte établi par lui, débarrassé d’un grand nombre d’erreurs de lecture, de normalisations grammaticales et de conjectures inutiles, est plus fiable que celui de l’édition d’Ursul-Philip Boissevain (1895-1901) qui faisait jusqu’alors référence. S’agissant des témoins de la tradition indirecte, les avancées sont sensibles également puisqu’Éric Foulon a pu utiliser des éditions scientifiques modernes qui n’existaient pas au moment de la publication de l’édition Boissevain (Extraits constantiniens, Souda, Chronique universelle de Jean d’Antioche…), et dont certaines sont même toutes récentes (Chroniques de Georges Cédrénos, de Théodore Skoutariotès…). Pour Xiphilin, dont l’Epitomè fournit, avec les Extraits constantiniens, la plus grande partie des fragments conservés, E. Foulon améliore ponctuellement la recension de Boissevain (fondée sur deux manuscrits, V et C) par l’utilisation d’un troisième manuscrit (D = le Vesontinus 847), un apographe de C qui intègre des leçons issues probablement d’une troisième branche de la tradition manuscrite.

Mais cette édition ne se signale pas seulement par ses qualités philologiques. La partie historique de la Notice et les très riches notes de commentaire, dues à Michel Molin, pro- fesseur d’Histoire romaine à l’université Sorbonne-Paris-Nord, sont également remar- quables. On n’en soulignera ici que les principaux apports. Les années (217-229) couvertes par les trois derniers livres de l’Histoire romaine correspondant à la période la plus impor- tante de la carrière politique de Cassius Dion, il a semblé d’autant plus opportun aux éditeurs de présenter sa biographie dans l’introduction que la découverte ces dernières années de nouveaux documents épigraphiques et papyrologiques a permis de compléter nos connais- sances dans ce domaine. Michel Molin souligne, d’autre part, l’importance du témoignage de Dion pour les historiens du Haut-Empire. Sur une période marquée par le contraste entre une histoire événementielle très riche et la pauvreté des sources littéraires latines, Dion est, en effet, le seul à fournir un nombre important d’informations qui ne sont pas corroborées par l’épigraphie, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont inexactes, bien au contraire, puisque l’historien fut un témoin privilégié et parfois un acteur des événements relatés et que son statut de sénateur romain, sa fréquentation de la cour impériale, son appartenance aux élites d’Asie Mineure lui donnèrent accès à de multiples sources d’information, notamment aux archives du Sénat et des administrations où il fut en poste.

La comparaison du texte de Dion avec l’autre récit continu des événements des mêmes années par Hérodien est éclairante car elle met bien en évidence les mérites respectifs des deux historiens. Hérodien (dont le statut social reste incertain mais qui n’appartenait pas aux élites sénatoriales), bien que chronologiquement proche de Dion, donne pourtant une image assez différente de chacun des quatre empereurs évoqués dans les livres 78-80 (Cara- calla, Macrin, Elagabal, Sévère Alexandre). Hérodien est moins précis que Dion sur les aspects juridiques et institutionnels, mais il partage ses jugements sur la montée des périls, l’égoïsme des tenants du pouvoir et la pression des soldats. Le niveau culturel du lectorat visé n’est pas le même non plus : plusieurs indices montrent que les lecteurs d’Hérodien ne connaissaient pas du tout ou pas bien le latin. Enfin, Hérodien donne des informations parfois importantes qui sont omises volontairement ou non soit par Dion soit plus proba- blement par ses excerpteurs et abréviateurs et qui sont précieuses pour appréhender la réalité historique.

L’Association a voulu récompenser par ce prix une excellente édition, de niveau inter- national, fruit d’une collaboration exemplaire entre un philologue et un historien, et donc conforme, comme tous les volumes de l’Histoire romaine déjà publiés, aux principes énon- cés par les initiateurs de ce programme éditorial, Jean Irigoin et François Hinard.

D’autres auteurs enrichissent encore cette année les ressources de notre bibliothèque. Notre prochaine présidente, Véronique Boudon-Millot offre deux ouvrages, un Marc Aurèle, paru aux PUF en 2020, qui retrace avec clarté et érudition l’enfance, la jeunesse et le règne du célèbre empereur romain, et un ouvrage collectif codirigé avec Françoise Micheau, La Thériaque. Histoire d’un remède millénaire, paru aux Belles Lettres en 2020, qui réunit les contributions de philologues, historiens et pharmaciens qui portent un regard croisé sur cet incroyable remède universel, mis au point par Andromaque, médecin de Néron, et utilisé jusqu’en Chine pendant vingt siècles. Alain Blanchard nous a adressé Les Buco- liques de Théocrite. Construction et déconstruction d’un Recueil, ouvrage dans lequel il plaide pour l’authenticité du recueil des dix idylles placées en tête de la tradition manuscrite en propose une reconstitution. Il propose ensuite une édition du texte grec (d’après l’édi- tion de Gow, 1952), suivie d’une traduction qui suit, autant que possible l’ordre des mots du texte grec. Jacques Jouanna nous a donné son Introduction générale à Hippocrate qui revient sur la naissance de l’art médical en Occident, rassemble tous les témoignages sur la vie et l’œuvre du grand médecin et sur l’histoire textuelle du Corpus hippocratique. L’introduction est suivie du texte édité et traduit de la Vie d’Hippocrate selon Soranos, du Presbeutikos ou Discours d’ambassade, Epibômios ou Discours à l’autel, Décret des Athé- niens et des Lettres I et II. Poursuivant son travail méticuleux sur les inscriptions de Delphes, Dominique Mulliez publie Corpus des inscriptions de Delphes. Les Actes d’affran- chissement, Volume V, une somme d’érudition impressionnante de 652 pages. Morgane Cariou et Émeline Marquis ont codirigé un magnifique volume d’hommage à Alain Bil- lault. Ce volume réunit les contributions de Christine Hunzinger, Paul Demont, Michel Fartzoff, Christine Mauduit, Sophie Gotteland, Valérie Fromentin, Anne Gangloff, Gareth Schmeling, Émeline Marquis, Anna Lefteratou, Morgane Cariou et Myriam Diarra. Le livre rend compte de la diversité des compétences d’Alain Billault qui a su transmettre à ses élèves et partager avec ses collègues son goût pour la poésie d’époque hellénistique, le roman grec et la littérature d’époque impériale. L’association est très heureuse que son ancien trésorier, qui allie à l’érudition une affabilité jamais prise en défaut et une grande générosité au service de nos études, puisse recevoir ce témoignage d’amitié et d’admiration pour son œuvre. Christian Jacob, avec son ouvrage Faut-il prendre les Deipnosophistes au sérieux ? nous propose de cheminer avec lui dans l’incroyable banquet rapporté par Athénée de Naucratis. Dans une étude passionnante, il reconstitue les codes et les pratiques d’un milieu savant, composé d’érudits qui discutent à grand renfort de citations. Emma- nuèle Blanc et Laurence Plazenet nous ont offert leur Anthologie de la littérature grecque de Troie à Byzance (viiie siècle avant J.-C.-xve siècle après J.-C.). Le volume de 944 pages, paru dans la collection Folio classique chez Gallimard, rend accessibles des textes grecs proposés dans une nouvelle traduction d’Homère à Laonicos Chalcondyle (xve siècle). Comme le disent magnifiquement les auteurs dans leur quatrième de couverture, la lecture de la littérature grecque « ranime en nous ce désir d’intelligence, dont la Grèce a été un emblème absolu ». C’est avec grande joie que nous avons reçu également l’ouvrage de Germaine Aujac, qui, à 96 ans, a encore trouvé l’énergie de rédiger Hipparque de Nicée et l’astronomie en Grèce ancienne. Cette grande spécialiste de la géographie et de l’astro- nomie antiques nous propose une traduction française du Commentaire aux Phénomènes d’Eudoxe et d’Aratos réalisé par Hipparque de Nicée (iie siècle avant notre ère). L’intro- duction fait le point sur l’astronomie en Grèce ancienne, présente Hipparque de Nicée et le Commentaire. L’ouvrage se clôt sur un dossier comportant les témoignages anciens sur Hipparque (Strabon, l’Almageste) et de magnifiques illustrations (Atlas Farnèse, cartes du ciel au temps d’Hipparque). Liliane Lopez-Rabatel, Virginie Mathé et Jean-Charles Moretti ont codirigé les actes d’un colloque Dire la ville en grec aux époques antique et byzantine qui s’est déroulé à Créteil en juin 2016. L’ouvrage interroge les mots et les discours relatifs à la ville dans les territoires de langue grecque. Il s’intéresse aussi bien aux témoignages littéraires qu’aux témoignages archéologiques concernant les composantes et la composi- tion de l’espace urbain. Il étudie de près les mots employés pour nommer et classer les villes et expliciter les évolutions juridiques, urbanistiques et culturelles qui sous-tendent ce vocabulaire. La dernière partie « Des villes dans un empire » traite plus spécifiquement de la façon dont est défini et décrit l’espace urbain chez Dion de Pruse, Aelius Aristide ou Pausanias.

Vinciane Pirenne-Delforge, qui nous a fait l’honneur de nous présenter une communi-

cation au mois de mai dernier, nous a également offert son livre Le polythéisme à l’épreuve d’Hérodote. Partant d’une réflexion sur les termes de religio et polutheos/polutheia, elle propose une étude sur Hérodote « en tant qu’historien du polythéisme grec » et engage une réflexion sur la façon dont les Grecs nommaient leurs dieux, leur sacrifiaient et constituaient des communautés qui n’étaient pas fondées sur une révélation, mais sur l’hommage rendu en groupe. Revenant sur la question de la croyance dans ce système polythéiste, elle nous met en garde contre nos perceptions souvent anachroniques et souligne l’ancrage territorial des dieux grecs, l’importance de l’expérience rituelle et la présence d’un imaginaire partagé associé à des traditions narratives remontant à l’épopée.

Sur un sujet voisin, Gérard Lambin nous a adressé Aspects du divin dans la Grèce antique. À l’aide des témoignages épigraphiques et archéologiques, des textes littéraires, historiques et philosophiques, l’auteur s’interroge sur les différentes formes que prend le divin dans la Grèce antique et étudie successivement la question de l’unité et de la multi- plicité des dieux grecs, celle des dieux visibles et invisibles, puis s’intéresse aux génies, aux mystères, à Orphée et à la question de la vie post mortem.

Je ne peux clore ce discours sans remercier très chaleureusement tous les rapporteurs qui m’en ont fourni la matière. J’ai été heureuse et honorée de travailler cette année aux côtés du président Denis Rousset. J’ai admiré la façon dont il avait su constamment piloter notre navire, déjouer les écueils et mener à bon port notre association malgré la pandémie. La qualité du programme des conférences, la revalorisation des prix, la modernisation de notre présentation sur notre site internet lui doivent beaucoup. Le passage forcé à la visio- conférence nous a permis de gagner un public plus large et plus jeune. Nous espérons qu’il nous sera possible de trouver un système hybride permettant de satisfaire à la fois ceux qui ont hâte de retrouver la Sorbonne et ceux pour qui il est plus commode d’assister aux conférences de chez eux.

Je remercie aussi très chaleureusement notre trésorière, Caroline Magdelaine, notre bibliothécaire, Alessia Guardasole, notre secrétaire adjoint, Pierre Pontier. Je pense que peu de personnes ont conscience de l’investissement en temps et en énergie que requiert une activité bénévole comme la nôtre. Mais c’est un vrai plaisir de travailler en bonne intelligence au service de disciplines que nous aimons tant et qui ont tant à apporter à notre société. Cette année a été éprouvante pour beaucoup d’entre nous. Je pense à tous ceux qui ont été durement frappés par la pandémie, à ceux qui ont souffert de la rupture des liens sociaux, à ceux qui ont les yeux abîmés à force de Teams, zooms et autres réunions virtuelles. Je vous souhaite à tous un été reposant et une prochaine année universitaire avec un peu plus de chaleur humaine et de vraies rencontres.