Actes de l’Association des Études grecques Année 2019-2020

Année 2019-2020

No 1293. Séance du lundi 4 novembre 2019.
La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association.

Comptes-rendus de colloques et congrès :

«Isagogical Crossroads in the post-Hellenistic Age and Late Antiquity », organisé par Anna Motta – Federico Petrucci, Freie Universität, Berlin, 6-8 décembre 2018, par Olivier Munnich. – Congrès du GIS « Humanités » : «Étudier les humanités aujourd’hui, nouveaux enjeux et nouvelles méthodes », Lyon, 17-19 décembre 2018, par Jean-Baptiste Gourinat. – «Eusebius, Porphyry, and Augustine in the struggle for interpretational sovereignty », organisés par Irmgard Männlein-Robert, Volker Drecoll, Christina Hecht, David DeMarco, Lisa Neumann à Tübingen, 14-16 mars 2019, par Olivier Munnich. – «La méthode de division, de Platon à Jean Scot Erigène », colloque organisé par Sylvain Delcomminette, Université libre de Bruxelles, 13-14 juin 2019, par Jean-Baptiste Gourinat. – «La violence politique dans l’Antiquité tardive », co-organisé par Christian Boudignon, Aix en Provence, 18-19 juin 2019, par Olivier Munnich. – «Biologie et psychologie chez Aristote », colloque organisé par David Lefebvre, Paris, Centre Léon Robin, Sorbonne Université, 20-21 juin 2019, par Jean-Baptiste Gourinat. – « Church Fathers in the Margins: Patristic Traditions in Biblical Manuscripts », organisé par Martin Wallraff (LMU München) et Patrick Andrist (Bâle), LMU München les 24-25 juin 2019, par Olivier Munnich. – Colloque international «Les maladies infectieuses dans l’Antiquité. Sources écrites et archives bio-archéologiques », organisé par Dominique Castex, Nicolas Laubry et Benoît Rossignol, École française de Rome, Rome, 27-28 juin 2019, par Véronique Boudon-Millot. – «Colloque international de Lyon, «Poétique et politique. Nouvelles lectures d’Euripide », organisé par Pascale Brillet-Dubois et Anne-Sophie Noël, Lyon II-ENS Lyon, 27-29 juin 2019, par Michel Fartzoff. – «Les Koina de Grèce méridionale : numismatique et histoire », organisé par Catherine Grandjean, université de Tours, 27-29 juin 2019, par Denis Knoepfler. – Symposium Hellenesticum, «Cicero, Tusculan Disputations », Cambridge (Royaume Uni), Faculty of Classics, 1er-4 juillet 2019, par Jean-Baptiste Gourinat. – Assemblée générale de la FIEC, Londres, 4 juillet 2019, par Paul Demont. – 15e congrès de la FIEC, organisé conjointement par la FIEC et la Classical Association annual conference, Institute of education (UCL), Londres, 4-8 juillet 2019, par Paul Demont. – Symposium Platonicum XII : Plato’s Parmenides, Paris, Institut National d’Histoire de l’Art, 15-19 juillet 2019, par Arnaud Macé. – 18ème congrès patristique d’Oxford, 19-24 août 2019 par Olivier Munnich. – Colloque international «ETRe – Emotions in the Therapeutic Relationship », organisé par Sorbonne Université en collaboration avec le centre de recherche Medicine and the Muse de Stanford, Paris, 4-5 septembre 2019, par Véronique Boudon-Millot. – Colloque international «Écriture, réécriture ou citation : les procédés de composition des textes médicaux antiques » organisé par Brigitte Maire et Nathalie Rousseau, Lausanne, 23-25 septembre 2019, par Véronique Boudon-Millot. – Colloque international «La naissance de la théologie comme science », coorganisé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), l’Université Laval et l’EPHE, Paris, 23-25 septembre 2019, par Philippe Hoffmann. – XXX e Colloque de la Villa Kérylos, «Les petites phrases. Puissance de la brièveté dans la littérature d’Orient et d’Occident», organisé par l’AIBL et la Fondation Théodore Reinach, Beaulieu-sur-Mer, 11 et 12 octobre 2019, par Philippe Hoffmann. – 13e session de l’Academia Platonica Septima [Monasteriensis, (Université de Münster en Westphalie), 16-19 octobre 2019, sur le Traité 10 (Ennéades, V, 1) de Plotin «Sur les trois hypostases principielles» par Philippe Hoffmann. – Colloque international « The Syriac Galen Palimpsest» organisé par P. Pormann, Manchester, 31 octobre-1er novembre 2019, par Véronique Boudon-Millot.

Communication :

M. Jacques Jouanna, «L’histoire de Delphes et les Asclépiades. Pour un dialogue entre philologues et archéologues».

La communication a pour objet fondamental de proposer une réhabilitation du Discours d’ambassade ou Presbeutikos conservé dans la Collection hippocratique. Ce discours est adressé aux Athéniens par Thessalos, fils d’Hippocrate, de la famille des Asclépiades, pour plaider en faveur de Cos dans un différend entre Cos et Athènes qui eut lieu lors de la guerre du Péloponnèse, après la fin de l’expédition de Sicile. Thessalos rappelle tous les services rendus par les Asclépiades de Cos à la Grèce depuis la première guerre sacrée menée par les Amphictions de Delphes contre les Criséens où, à la suite d’un oracle de Delphes, l’Asclépiade Nébros est intervenu en empoisonnant une canalisation de la plus grande ville des Criséens, et où son fils Chrysos, mort au combat lors de l’assaut de la ville, reçut en récompense l’honneur d’avoir sa sépulture dans l’hippodrome nouvellement aménagé à Delphes après la victoire sur Crisa. La communication rassemble tous les témoignages sur les relations entre les Asclépiades à Delphes évoqués dans le Presbeutikos et les inscriptions de Delphes dans l’ordre chronologique des découvertes et des études, depuis Hans Pomtow (1918), en passant par Jean Bousquet (1956) jusqu’à Denis Rousset (2002), qu’il s’agisse soit d’Hippocrate à Delphes, soit des Asclépiades de Cos et de Cnide, soit des limites de la terre consacrée à Apollon après la défaite des Criséens. Puis la communication apporte des compléments à la lumière des progrès parallèles faits par la philologie sur l’histoire du texte du Presbeutikos (stemma des manuscrits) et sur l’histoire de sa langue (vocabulaire ionien). Le discours a une langue comparable à celle d’Hérodote notamment sur une série de mots rares, tout en livrant des témoignages de première main indépendants de lui sur des personnages de Cos et d’Halicarnasse lors des guerres médiques (Artémise de Cnide et Cadmos de Cos) Il en résulte que le Presbeutikos n’est pas une mosaïque créée à l’époque hellénistique, ce qui est actuellement la thèse majoritaire, mais un discours puisé à bonne source, qu’il soit ou non authentique. La communication doit paraître dans les Mélanges en l’honneur d’Amneris Roselli.

Observations de MM. Denis Knoepfler, Denis Rousset, Olivier Picard.

La séance est levée à 19 h .

No 1294. Séance du lundi 2 décembre 2019.

La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association, qui annonce les décès de M. Félix Bourriot et de M. Pierre-Paul Corsetti.

Membre nouveau: M. André Rehbinder, ancien élève de l’ENS, agrégé de Lettres classiques, maître de conférence en langue et littérature grecques à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une thèse sur le rapport entre style et argumentation dans le Phèdre de Platon dirigée par Paul Demont, présenté par M. Paul Demont et Mme Monique Trédé.

Intervention du Professeur Francisco Gonzalez Ponce, Doyen de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l’université de Séville, qui présente l’association GAHIA (Geography and Historiography in Antiquity), association espagnole fondée en 2014 dans le but de promouvoir l’étude de la géographie ancienne et de ses sources.

Communications :

  1. M. Nicola Zito, «Le mythe de Persée dans le Lapidaire orphique».Dans cette communication, Nicola Zito étudie le long passage du Lapidaire orphique consacré au corail (v. 510-609), passage dans lequel le poète développe le mythe de Persée et la naissance miraculeuse du corail du sang de la Gorgone (v. 539-577). Le conférencier montre d’abord qu’il s’agit d’un passage particulièrement soigné d’un point de vue stylistique (reprise d’homérismes rares, présence de plusieurs hapax, emploi de vers tetracôla). Il essaye ensuite d’interpréter la surprise et l’émerveillement du locuteur vis-à-vis de la nature extraordinaire du corail, plante marine durcie au contact de l’air (v. 510-538), à l’aune de la philosophie néoplatonicienne : chez Damascius, auteur au Ve siècle d’un traité consacré aux Paradoxa, les phénomènes naturels les plus insolites représentent autant de manifestations divines susceptibles d’élever vers les dieux l’âme de celui qui est capable de les reconnaître. L’intervenant propose enfin de considérer le mythe de Persée comme le récit allégorique d’une initiation aux mystères, récit dans lequel Persée représenterait l’initié qui vient à bout du vice et de la mort spirituelle qui en découle (la Gorgone) grâce à sa αρπη, la faucille qui était un des attributs du «Perse », cinquième grade dans les initiations mithriaques. Si elles s’avéraient exactes, ces hypothèses permettraient de placer la composition du Lapidaire orphique au IVe siècle après J.-C., et plus précisément dans le milieu de l’empereur Julien, fervent païen et adepte de la philosophie néoplatonicienne.Observations de M. Philippe Hoffmann.
  2. M. Johann Goeken, «Socrate et la tête de Gorgias (Platon, Banquet, 198a3-c6)».Après avoir entendu le discours qu’Agathon a prononcé en l’honneur de l’Amour, Socrate livre ses impressions sur la rhétorique gorgianique de son hôte. Il déclare, en adaptant un passage célèbre de l’Odyssée (XI, 634), qu’il a été saisi par la crainte à l’idée qu’Agathon ne lui présente la tête de Gorgias, au lieu de la tête de Gorgo, pour le pétrifier et le rendre muet. La double référence à Gorgias et à l’Odyssée sert à formuler une critique à la fois humoristique et sévère de la rhétorique mortifère des sophistes qui constitue un obstacle au dialogue convivial.Observations de MM. Denis Knoeppfler, Guy Lachenaud, Paul Demont, Charles de Lamberterie et Mme Anne Jacquemin.

La séance est levée à 19 h .

No 1295. Séance du lundi 6 janvier 2020.

La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association, qui a la tristesse d’annoncer le décès de M. Jean Laborderie.

Membres nouveaux: Mme Clémence Weber-Pallez, élève de l’Ecole française d’Athènes, agrégée d’histoire, titulaire d’un doctorat « Représentations et réalités spatiales de la péninsule argolique aux époques archaïque et classique : de l’espace des cités à celui de l’Argolide » dirigé par Nicolas Richer, présentée par Olivier Picard et Véronique Boudon-Millot. – Mme Immacolata Eramo, docteur en philologie grecque et latine de l’université de Bari, présentée par MM. Giusto Traina et Didier Marcotte.

Communications :

  1. M. Matthieu Fernandez, « Démosthène fabuliste ? L’ombre d’un âne entre comédie, proverbe et fable chez les scoliastes et les lexicographes».La harangue Sur la paix se termine par une métaphore mystérieuse qui a fait couler beaucoup d’encre : «pour l’ombre qui est à Delphes». Démosthène désigne le conseil amphictyonique, qu’il affecte de tenir pour quantité négligeable. Cette image est une réécriture de l’expression proverbiale «pour l’ombre d’un âne», attestée avant Démosthène chez Aristophane, Sophocle, Platon et Ménandre. Elle fournit aussi le titre d’une comédie perdue d’Archippos. Pour expliquer l’origine de ce proverbe, scholiastes et lexicographes rapportent un apologue dont certains d’entre eux attribuent la paternité à Démosthène dans un discours prononcé devant l’Assemblée ou un tribunal. Ils cherchent ainsi à combler une lacune dans le corpus démosthénien et à faire aussi de l’orateur un maître de la fable, pour le proposer comme modèle rhétorique dès les exercices préliminaires (progymnasmata). En effet, nous ne trouvons pas de fable dans les œuvres conservées de Démosthène. Nous n’avons qu’un témoignage de Plutarque et une métaphore du Contre Aristogiton I, reprise dans le Contre Aristogiton II : tous mettent en scène le paradigme pastoral des chiens, des moutons et des loups, caractéristique de la fable ésopique. Le recours à la fable était peut-être donc un trait d’éloquence orale. C’est ce qui expliquerait que nous n’en avons conservé que ces maigres traces chez Démosthène, alors qu’il s’agissait d’une pratique courante chez les orateurs, aux dires d’Aristophane et d’Aristote.Observations de MM. André Bouvet et Denis Rousset.
  2. M. Jean-Luc Fournet, « Trois nouveaux poèmes de Dioscore d’Aphrodité (VIe s. après J-C.) : Homère sur les rives du Nil ».Cette communication fut consacrée à trois poèmes écrits par Dioscore d’Aphrodité en 569 sur un papyrus du musée du Caire (P.Cair.Masp. III 67353 vo ). Malgré son mauvais état de conservation (papyrus très noirci et réduit à l’état de fragments rangés pêle-mêle sous plusieurs verres), l’étude du document copte inédit se trouvant sur le recto ainsi que le recours à la photographie infrarouge ont permis de remettre les fragments dans l’ordre et de rendre le texte à peu près lisible. Ces trois poèmes ont comme sujet Homère : les deux premiers sont deux versions d’une éthopée (Τίνας ἂν εἴπη [1. εἴποι] λόγους Ὁμηρος παρακαλῶν τὴν Θετίν ἐνοπλοῦσαι τὸν Ἄχιλλέα; «Quelles paroles prononcerait Homère demandant à Thétis de lui montrer Achille en armes ? ») ; le troisième est un éloge des poèmes homériques (Εἰς τὰ Ὁμηρικά). Ce papyrus livre la seule éthopée connue faisant parler Homère. Plus étonnant encore, Homère se retrouve projeté dans son œuvre et s’adresse à des propres personnages, en l’occurrence Thétis (dans une situation empruntée à I I. XVIII), Dioscore abolissant toute distance entre le présent de l’auteur et le passé de l’histoire. Enfin, Homère parle en faisant de l’Homère puisque ses paroles sont une rhapsodie de syntagmes homériques. Ces trois poèmes sont un vibrant témoignage de la place centrale encore occupée par Homère dans la vie culturelle de l’Égypte du VIe s. et de la volonté forte, de la part des élites coptophones, dont faisait partie Dioscore, de participer pleinement à la culture hellénique de l’Empire.Observations de MM. Denis Knoepfler, Charles de Lamberterie, Pierre Chiron, Jean Gascou, Paul Demont.

La séance est levée à 19 h .

No 1296. Séance du lundi 3 février 2020.

La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association.

Membres nouveaux: M. Mathieu Gonzalez Pauget, Professeur à la Faculté des Arts Libéraux de l’Université Adolfo Ibañez, Santiago du Chili, doctorant en études grecques (thèse sur la réception de Thucydide après 1945), présenté par MM. Paul Demont et François Lefèvre. – M. Claudio Felisi, ancien élève de l’ENS, agrégé de Lettres classiques, ATER à Sorbonne Université, doctorant sous la direction de Mme Claire Le Feuvre et M. Paul Demont, présenté par Mme Claire Le Feuvre et M. Paul Demont.

Communications :

  1. M. André Rehbinder, «La métaphore des ailes de l’âme dans le mythe central du Phédre».L’image de l’attelage ailé dans le Phédre a souvent été interprétée comme une représentation allégorique de l’âme. Or, si la lecture allégorique convient à certains éléments de l’image, l’attelage et le cocher, elle est incapable de rendre compte des ailes. En premier lieu, l’étude de la structure du mythe, en particulier de sa seconde partie (249d4-257a2), fait apparaître une indépendance des deux images. Cette indépendance est confirmée par la différence entre le mode de nourriture des ailes et celui des chevaux. En second lieu, la description de la pousse des plumes qui affecte l’âme amoureuse (251a2-c6), par son caractère détaillé lui-même, rend impossible la lecture allégorique : un grand nombre de détails ne trouvent pas d’équivalents dans le vocabulaire abstrait décrivant l’âme. En outre, la description fait intervenir trois réalités, et non deux, l’image physique – les ailes -, la réalité psychique – l’âme amoureuse -, mais aussi la réalité physique de la douleur ressentie par l’amant. L’image des ailes de l’âme n’est donc pas une allégorie mais une image d’investigation, visant à nommer ce qui n’a pas encore de nom dans le vocabulaire abstrait.Observations de Mmes Véronique Boudon-Millot, Catherine Dobias et MM. Philippe Hoffmann, Jacques Jouanna.
  2. M. Christophe Feyel, «Quelques réflexions sur les Helléniques d’Oxyrhynchos».Cette communication est publiée dans REG 2020, 1, juillet 2020.Observations de MM. Denis Knoepfler et Charles de Lamberterie.

La séance est levée à 19 h .

No 1297. Séance du lundi 2 mars 2020.
La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association, qui annonce le décès de M. Pierre Aubenque.

Communications :

  1. M. Patrice Hamon, «Les listes monumentales de magistrats de Thasos (archontes et théores) : recherches en cours».Après un volume consacré aux décrets et documents publics du IVe s. et de l’époque hellénistique (CITh III, paru en 2019), le projet en cours du Corpus des inscriptions de Thasos vise la republication commentée des listes monumentales de magistrats (CITh I, en collaboration avec Fr. Salviat). Celles-ci doivent être comparées à deux autres listes d’éponymes de structure analogue, conçues et gravées par des cités de l’époque classique.La première de ces cités est Athènes : quatre fragments d’une liste y ont été découverts dans les fouilles de l’Agora (I G I3 1031) ; gravée en plusieurs colonnes sur une stèle ou sur un édifice, ladite liste récapitulait les archontes depuis le début du VIe s., sinon peut-être depuis 683/2 (archontat de Kréôn). La gravure se situe vers 425 (Meritt, Bradeen) ou bien un peu plus tard, en 410 ou peu après, dans l’atmosphère de refondation qui suivit la chute des Quatre-Cents (Pébarthe). Quelle que soit la date précise, l’élaboration d’un tel catalogue rétrospectif pose des questions intéressantes : s’appuie-t-elle sur des archives écrites, à savoir une anagraphé des archontes athéniens tenue à jour depuis le VIIe s. (Cadoux, Jacoby) ou procède-t-elle d’une compilation savante dans la veine d’Hippias d’Élis et faut-il y soupçonner des erreurs ou des manipulations (Hedrick), comme on l’a suggéré à propos de l’archontat de Clisthène placé en 525/4 ?

    Milet offre l’exemple comparable d’une stèle, découverte dans le Delphinion et intégralement conservée, comportant deux colonnes de noms d’aisymnètes (Milet I 3, 122). A. Rehm en a fixé la date au passage d’Alexandre en Asie Mineure ; si l’on retient le décompte proposé par É. Cavaignac, on peut préciser que la colonne I récapitule les années 522/1 à 413/2, tandis que la colonne II récapitule les années 412/1 à 333/2, puis reçoit vingt noms supplémentaires jusqu’en 313/2. Le fragment d’un autre exemplaire de la même liste, plus ancien, a été récemment découvert (SEG 45, 1620) et a fait l’objet d’une étude éclairante de J. Driscoll (JES 2, 2019, p. 11-32) : cette première version fut peut-être gravée en 412/1 selon Driscoll, au moment même où les Milésiens abandonnèrent l’alliance athénienne pour rejoindre les Péloponnésiens ; elle aurait comporté une colonne rétrospective de cent dix années et une colonne « ouverte », destinée à se remplir au fur et à mesure du IVe s. ; pour une raison peu claire, elle fut entièrement regravée en 333/2 et poursuivie par la suite. Si la première version date bien de 412/1, le monument milésien fut conçu à une date voisine de celui d’Athènes ; bien qu’il ne remonte pas ici aussi haut dans l’archaïsme, les mêmes questions se posent quant à la date de départ (cf. N. Robertson, Phoenix 41, 1987, p. 376-377) et à la fiabilité des sections les plus anciennes, en particulier pour les années noires de l’histoire milésienne, entre 494 et 479.

    Plusieurs des caractéristiques observées à Athènes et à Milet se retrouvent à Thasos, où les listes d’éponymes sont à la fois doubles et d’une plus grande ampleur : trois noms d’archontes et trois noms de théores étaient enregistrés chaque année, sauf accident historique passager (pour plus de détail, voir BCH 139-140,2015-2016, p. 67-125, et le schéma présenté dans BCH 142,2018, p. 184). Sauf erreur, on peut estimer que la gravure initiale se situe dans les années 360 : les deux catalogues sont alors rétrospectifs et semblent remonter très haut dans le passé, peut-être jusqu’au cours du VIIe s. ; leur conception relève vraisemblablement d’un phénomène d’imitation (le principal modèle étant Athènes), mais il est possible qu’elle s’explique aussi par un contexte ou un événement historique significatif. Comme à Milet, et pour des raisons pratiques ou symboliques malaisées à comprendre, les deux listes jumelles furent regravées en plus grande dimension sur des monuments de l’agora vers 320 et poursuivies ensuite à l’époque hellénistique (BCH 142,2018, p. 185), puis à l’époque impériale (voir J. Fournier, JS 2018, p. 3-53).

    La réédition de cet ensemble épigraphique de première importance, après collation et – si possible – relevé des quelque cent blocs et fragments conservés et accessibles (sur un total d’environ cent cinquante), cherchera à explorer et à présenter tous les aspects du dossier. Il convient de replacer chacune des quatre listes gravées dans l’espace public et de reconstituer la structure du mur qui la portait. Il faut exploiter la mine d’information que constitue les milliers de noms d’individus enregistrés au fil de neuf ou dix siècles, pour analyser le système thasien des magistratures, pour identifier, par le retour des noms, des pères et des fils ou des frères entre eux, pour construire enfin des stemmata en suivant des lignées sur plusieurs générations. Les parallèles athénien et milésien invitent également à s’interroger sur les sources, plus ou moins fiables, dont procèdent les listes monumentales de Thasos. On peut supposer qu’il existait, au moins à partir du début de l’époque classique, une liste officielle des archontes et une liste officielle des théores conservées sur matériau périssable et rédigées jusque vers 420 dans l’alphabet paro-thasien. La première question concerne donc l’opération de monumentalisation et de transcription sur pierre qui eut lieu dans les années 360 : celle-ci s’accompagna d’une conversion en alphabet ionien, éventuelle source d’erreurs ; elle nécessita certainement l’élaboration d’une copie intermédiaire sur papyrus ou autre support, où les noms archivés furent disposés en colonnes de hauteur égale et où les années furent séparées au moyen de paragraphoi (cf. M. Faraguna, ZPE 214, 2020, p. 115-128) ; elle comprit enfin l’insertion de titres intermédiaires dans les sections anciennes (e.g. «Sous les Douze archontes, voici ceux qui furent théores : … », etc.), ce qui reflète un travail de mise en ordre proprement historiographique des événements passés. Une autre question concerne le contenu même des sections les plus anciennes : faut-il supposer que les noms – ou certains noms – qu’on y lit relèvent des recherches d’érudits locaux, voire tout simplement de leur imagination? S’il s’était agi de réinventer au IVe s. les riches heures du VIIe et du VIe s., c’est par centaines qu’il aurait fallu forger des noms, sans créer d’incompatibilité chronologique entre un père et un fils ou entre deux magistratures exercées par le même individu à quelques années d’écart. Or les fragments des premières colonnes, couvrant ces périodes hautes, ne trahissent pas de telles erreurs; elles livrent beaucoup d’anthroponymes peu courants, inusités à l’époque classique, appartenant aux générations pionnières d’origine parienne. Un antiquaire désireux de faire remonter artificiellement les listes dans le temps n’aurait probablement pas créé des noms de toutes pièces ; il aurait puisé dans ce qu’il connaissait et aurait cherché à insérer dans la liste des noms glorieux ou à élaborer des liens onomastiques clairs et parlants entre passé et présent. Les listes gravées laissent ainsi penser que les sections archaïques sont authentiques et par conséquent que les Thasiens tinrent scrupuleusement, à partir du milieu du VIIe s., sinon depuis la fondation même, des archives civiques écrites.

    Observations de MM. D. Knoepfler, Olivier Picard, Dominique Mulliez, Denis Rousset.

  2. M. Manfred Kraus, « Apprendre l’art de l’argumentation par les progymnasmata anciens ».La série des 14 progymnasmata ou exercices préliminaires a été conçue dans l’antiquité pour entraîner les apprentis en rhétorique aux devoirs de l’orateur. À côté d’un enseignement portant sur l’invention, la disposition et le style des discours, ces exercices proposent un programme bien organisé et bien structuré enseignant l’art de bien argumenter. Ce programme progresse méthodiquement en quatre étapes: Au niveau de la première étape, dans les exercices élémentaires de la chrie (anecdote) et de la maxime (proverbe), les étudiants sont chargés d’élaborer le contenu moral de l’anecdote selon un arrangement stéréotypé en huit étapes, grâce auquel ils font l’expérience de différentes méthodes formelles d’argumentation, comme la preuve déductive directe et indirecte, la preuve par induction (exemple) et par analogie, l’argument d’autorité et l’argumentation ad hominem. À la deuxième étape, les exercices de contestation et confirmation font acquérir la connaissance des critères sur lesquels on peut baser ou constater la probabilité ou l’improbabilité d’un rapport ou d’une argumentation, c’est-à-dire les fameux « buts finaux» comme la clarté, la crédibilité, la possibilité, la cohérence, la convenance et l’utilité (ou bien leurs contraires). Ces «topiques » qualifiés pour les genres judiciaire et délibératif sont ensuite complétés, dans l’exercice suivant du lieu commun, par des topiques épidictiques comme la caractérisation, le parallèle, l’exagération, les intentions ainsi que des buts finaux additionnels comme la légalité, la justesse, la gloire ou la présomption de conséquences futures. Au niveau final, dans les exercices les plus avancés de la thèse et de la proposition de loi, tous ces outils acquis progressivement sont rassemblés et mis en pratique dans des devoirs où les étudiants doivent prendre et défendre une décision autonome raisonnée et responsable face à un problème difficile de caractère délibératif ou judiciaire. Il est donc indéniable qu’au sein de la série des exercices préparatoires il y a, entre autres, un programme d’entraînement à l’art de bien argumenter, un programme qui méthodiquement et graduellement guide les étudiants du plus facile et élémentaire jusqu’au niveau de la plus haute technicité, et qui en même temps cultive et encourage leur pensée critique. C’est notamment pour cela que ces exercices ont récemment été redécouverts et ranimés dans l’éducation scolaire et universitaire.Observations de MM. Pierre Chiron, André Bouvet et Mme Giulia Gerbi.

La séance est levée à 19 h .

 

 

La séance commune avec la Société des Études latines, prévue le samedi 4 avril, et la séance du 4 mai ont dû être annulées en raison de la situation sanitaire et du confinement. Les interventions de Michel Fartzoff, Nadine Le Meur Weissman et Tiziano Dorandi ont été reprogrammées en 2020-2021.

La réunion du Comité a été reportée au 21 septembre 2020. L’assemblée générale a été reportée au 12 octobre 2020.

No 1298. Assemblée générale du lundi 12 octobre 2020.
La séance est ouverte à 17 heures par M. Denis Knoepfler, président de l’Association.

Membres nouveaux :

Luigi Alberto Sanchi, directeur de recherche à l’institut d’histoire du droit, Candidature proposée par D. Knoepfler et D. Cuny. – Amandine Gouttefarde, professeur de Lettres classiques, docteur en Études grecques et membre extérieure du laboratoire de recherche EDITTA, présentée par Paul Demont et Alessia Guardasole.

Monsieur le Président rend hommage aux membres de l’Association disparus pendant l’année et retrace les activités de l’Association.

La Secrétaire générale présente le rapport de la Commission des Prix. Le palmarès est le suivant :

  • Prix de l’Association (dédoublé) : Patrice Hamon, Corpus des inscriptions de Thasos, III : documents publics du quatrième siècle et de l’époque hellénistique, Études thasiennes XXVI, EFA, Athènes – Paris, 2019 ; et Jean-Pierre Mahé éd., Hermès Trismégiste, Paralipomènes, tome V : Codex VI de Nag Hammadi-Codex Clarkianus 11 Oxoniensis- Définitions hermétiques-Divers, Grec, copte, arménien, Belles Lettres, n5546, 2019.
  • Prix Zographos (dédoublé) : Luigi Alberto Sanchi, Les lettres grecques – Anthologie de la littérature grecque d’Homère à Justinien, Belles Lettres, 2020 et Nicolas Siron, Témoigner et convaincre. Le dispositif de vérité dans les discours judiciaires de l’Athènes classique, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.
  • Prix Reinach : Marilena Vlad, Damascius et l’ineffable. Récit de l’impossible discours, Vrin-Histoire des doctrines de l’antiquité classique, 2019.
  • Prix Zappas : Marie Saint Martin L’Urne et le Rossignol. Représentations d’Électre, antiques et modernes, Paris, Classiques Garnier, Collection «Perspectives comparatistes» 77, 2019.
  • Prix Delepierre : Shpresa Gjongecaj, Trésors de monnaies antiques trouvées en Albanie, Recherches Archéologiques Franco-Albanaises 2, EFA, 2020.
  • Prix Desrousseaux : Eusèbe de Césarée. Chronique, I, texte introduit par Aude Cohen-Skalli, traduit de l’arménien par Agnès Ouzounian, et commenté par Sergio Brillante, Sydney Hervé Aufrère, Sébastien Morlet et Agnès Ouzounian, sous la direction d’Aude Cohen-Skalli, Paris, Les Belles Lettres, la roue à livres, 2020.
  • Prix Raymond Weil : Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur Jean, livre I, texte grec, introduction, traduction, notes et index par Bernard Meunier, Paris, Sources chrétiennes 600, Les Éditions du Cerf, 2018.

La Trésorière, Mme Caroline Magdelaine, présente son rapport financier qui, après avis favorable du censeur, est approuvé à l’unanimité. La cotisation pour 2020 reste fixée à 60 euros. La cotisation se monte désormais à 40 euros pour les nouveaux membres durant les cinq premières années de leur adhésion.

La délégation financière est donnée à Mme Caroline Magdelaine pour toutes opérations relatives à la gestion des fonds et titres de l’Association pendant la durée de l’exercice 2020-2021.

M. Paul Demont, ancien Secrétaire général et ancien Président de l’Association, et Mme Valérie Fromentin, ancienne Secrétaire générale et ancienne Présidente de l’Association, sont chargés de représenter l’Association à l’Assemblée et aux Commissions de la F.I.E.C. à titre de délégué et de délégué adjoint.

Le Comité a décidé de nommer à la commission administrative Mme Valérie Fromentin, Professeur à l’université de Bordeaux-Montaigne. La commission administrative est donc désormais composée de quatre personnes : M. Paul Demont, Mme Valérie Fromentin, M. Jacques Jouanna, M. Olivier Picard.

Le Président proclame le résultat des élections. Le bureau est constitué de la façon suivante pour l’année 2020-2021 :

  • Président : M. Denis Rousset, directeur d’études à l’EPHE.
  • Première Vice-Présidente : M. Véronique BoudON-Millot, directrice de recherche au CNRS.
  • Deuxième Vice-Président : M. Michel FARTZOFF, professeur à l’Université de Besançon.
  • Secrétaire générale : Mme Diane Cuny, maître de conférences habilitée à l’Université de Tours.
  • Secrétaire adjoint : M. Pierre Pontier, maître de conférences habilité à Sorbonne-Université.
  • Trésorière : Mme Caroline MAGDELAINE, maître de conférences à Sorbonne-Université.
  • Bibliothécaire : Mme Alessia GuardASOLE, directrice de recherche au CNRS.

Sont élus au Comité : M. Alain BLANC, professeur à l’Université de Rouen-Normandie ; Mme Marie-Odile Boulnois, directrice d’études à l’EPHE ; Mme Michèle Brunet, professeur à l’université Lumière Lyon 2 ; M. Denis KNOEPFLER, professeur émérite au Collège de France.

La séance est levée à 19 h 15 .